2°- L’Évangile en riant ?
La seule originalité de l’évangile est d’être le premier roman historique jamais écrit. Autrement dit un récit dans lequel on introduit un héros de fiction auprès de personnages réels, vivants ou ayant vécu.
Chez nous le plus beau représentant de cette manière est Alexandre Dumas. Mais la comparaison s’arrête là car A.Dumas n’a jamais exigé qu’on croie à la réalité des aventures de ses mousquetaires, alors que les chrétiens voulurent faire de leur affabulation une vérité et contraindre tout un chacun à l’admettre. On ne connaîtra d’ailleurs jamais avec précision le nombre sans doute énorme de victimes que firent, parmi les sceptiques ou les incrédules, les méthodes répressives et barbares que notre sainte mère l’Église utilisa pour imposer cette mystification…
Mais avant d’aller plus loin, il faut avoir en tête que ceux qu’on appellera les évangélistes, se réunirent un beau jour pour imaginer une histoire dont le personnage central serait le héraut porteur du nouveau système moral qu’ils voulaient propager. Une sorte de scénario dont la trame générale était fixée et sur laquelle chacun broda selon son profil et son caractère.
Ils prirent soin en outre de ne relater les faits prétendus que quelques décennies après l’époque où ils situèrent leur récit, afin d’éviter que des contemporains viennent dire, l’un : « J’étais à Cana pour les noces, et le vin manqua cruellement», ou : « Lazare était mon voisin. Quand il est mort, on ne l’a évidemment jamais revu… », ou même : « À l’époque j’ai assisté à la plupart des exécutions. Aucun Jésus parmi les suppliciés et encore moins quelqu’un qui serait ressuscité trois jours après sa mort : on l’aurait su ».
Mais cette fiction nommée Jésus, est intéressante à plus d’un titre et pas seulement parce qu’elle est, à la base, une escroquerie radicale.
Ce testament est nouveau, en effet, parce qu’il renvoie à l’ancien, autrement dit à la Bible.
Le texte se voulait donc le continuateur, mais aussi le réformateur de l’ancien. Pour y parvenir les promoteurs des nouvelles conceptions se glisseront dans une faille du vieux livre en prétendant que leur héros est le Messie qu’annonçaient les écritures. Deuxième escroquerie puisque le Messie en question ne devait apparaître qu’à la fin des temps ! Enfin, pour couronner le tout ce Messie sera Dieu, plus précisément le fils de Dieu. Afin de parvenir à ce résultat, tiré par les cheveux, il va falloir faire subir au monothéisme les derniers outrages et inventer cette conception monstrueuse : un monothéisme tricéphale !
Grosso modo le raisonnement qui conduisait à cette invention dut être le suivant. Un jour (sic), Dieu dut se dire : « Il faudrait aller sur terre racheter les hommes ». Peut-être le remords d’avoir infligé à tous ce péché originel injustifié ! Mais il ne pouvait se charger de cela lui-même car s’il s’absentait, qui garderait la boutique ? D’où l’idée toute simple : « Il me faut un fils… ». Sitôt dit, sitôt fait : le Dieu unique se retrouve à deux ! Toutefois les faiseurs de religions aiment mieux certains nombres que d’autres. Par exemple le trois, le sept, le quarante, etc., mais pas trop le deux. Ils pensent donc qu’une sainte trinité ferait plus ‘’classe’’ qu’une sainte dualité… Avec un père et un fils on aurait pu penser à une mère. Mais les mêmes ne raffolent guère des femmes, alors ils mitonnent le saint-Esprit dont un des rôles sera d’éclairer pour indiquer que les patrons sont là !
Avec toutes ces élucubrations, il ne faut pas trop s’étonner que les juifs orthodoxes n’aient pas été emballés. Malheureusement pour eux car ils le paieront au prix fort dans les siècles qui suivront…
Restait à installer le personnage dans son environnement humain.
La fécondation nécessaire pour aboutir à la naissance, posait un énorme problème. Les concepteurs de cette légende ne purent admettre qu’un Dieu en formation commence son périple, spermatozoïde mêlé à une nuée d’autres, fonçant le long de l’urètre parmi une multitude de concurrents, sortant d’un pénis par le méat urinaire, précipité dans un vagin où, jouant des coudes, il chercherait à tâtons l’ovaire, le trouverait enfin et s’y plongerait épuisé, priant alors ses autres compétiteurs de reconnaître sa victoire. On ne comprend évidemment pas le rejet d’un système mis au point, si l’on en croit la Genèse, par le papa du susdit, mais il faut croire que ce qui est largement suffisant pour l’homme est indigne du fils de Dieu !
Alors ces esprits inventifs vont mettre au point un autre procédé qui se veut convaincant et auquel chacun, comme pour le reste, sera prié de croire.
Un jour un ange, Gabriel, atterrit inopinément chez Marie, en l’absence de Joseph, et lui annonce qu’elle va être mère et enfanter le fils de Dieu. Elle rit et fait part de ses doutes car elle est vierge et son homme n’a pas l’air décidé à faire ce qu’il faudrait ! Gabriel lui explique que Dieu se chargera de cette formalité et repart, laissant la jeune femme poursuivre sa gestation…
Cette histoire est passionnante parce qu’elle n’a évidemment aucun sens. D’ailleurs elle a posé d’innombrables problèmes aux théologiens, docteurs de l’Église et autres spécialistes de l’inexplicable. Certains ont même imaginé que la parole de Dieu, transmise par l’ange et passant par l’oreille de Marie, aurait suffi pour la féconder ! Comme on dit communément : « Il vaut mieux entendre ça qu’être sourd… ».
On comprend aussi que l’on ait débattu longuement sur le sexe des anges, car si Gabriel était un mâle muni d’un pénis en état de marche, on aurait pu douter de la véracité de récit ; quant à Joseph, qu’il soit devenu le parangon de la jobardise, n’a rien de surprenant s’il a cru, découvrant cette grossesse, qu’elle était due à la parole d’un ange ?
Ce qu’il faut savoir aussi, c’est que les chrétiens, qui connaissent assez mal leur religion et pas du tout celles des autres, s’imaginent que ce schéma : divinité née d’une mère vierge, qui cherche ensuite à prêcher les hommes, est incompris, puis mis à mort ressuscite, serait d’une grande originalité. Or on retrouve des constructions identiques un peu partout, en Amérique du sud, en Égypte, dans la Grèce antique, en Asie, bien longtemps avant l’époque où fut écrite cette dernière version de la fable. On dit même que quand on songea à diviniser Alexandre le Grand, on commença par décréter que sa mère était vierge, ce qui n’aurait pas forcément plu à Philippe II de Macédoine…
Donc, au lieu d’être originale, cette construction était complètement éculée et avait déjà traîné durant des siècles dans la plupart des officines où s’étaient concoctés nombre de polythéismes, avant que les promoteurs de la nouvelle secte la reprennent à leur compte.
Il faut admettre d’ailleurs que cette fiction présentait pour les pères fondateurs du nouveau système, beaucoup d’avantages. D’abord en magnifiant une femme : Marie, douée de toutes les vertus, vierge bien que mère, pure et ayant engendré le fils de Dieu, on rabaissait toutes les autres, comme dans une histoire drôle bien connue, à retomber alors au rang de pures salopes ! Ce qui a d’ailleurs été longtemps, et sans doute aujourd’hui encore en partie, l’opinion de l’Église… Ensuite, cette fécondation sans contact physique, sans pénétration et sans sperme, permettait à ces tacherons de la morale, de prendre du recul par rapport à la sexualité, de la considérer négativement et de préparer ainsi toutes les restrictions, tous les interdits, toutes les limitations qui permettront à ces messieurs de passer le plus clair de leur temps à empoisonner la vie des autres en tentant de faire croire qu’ils sont utiles !
En résumé on trouve toujours dans des récits de ce type qui se veulent édifiants, aux modalités près, les mêmes ingrédients qui conduisent à l’élaboration d’une utopie, à la définition d’un système moral et à la mise en forme des contraintes qui l’accompagnent. Ceci induit à la nécessité de religieux chargés de gérer cet ensemble ce qui leur procure ressource et subsistance sans qu’ils aient à travailler utilement !
Sur le plan de l’anecdote, on trouve aussi dans ce texte des digressions qui voudraient faire sérieux mais ne réussissent qu’à le rendre plus invraisemblable encore.
Ainsi ce massacre des innocents, qui veut sans doute nous faire craindre le pire pour l’avenir du bambin ! Mais pour comprendre que tout cela est cousu de fil blanc, il suffit de se rappeler qu’on ne tue jamais le héros dans les premières minutes du film…
La scène de l’arrestation de Jésus est elle aussi totalement saugrenue, invraisemblable et sans queue ni tête. Rappelons que quelques soldats viennent pour arrêter le fauteur de trouble. Pour le trouver ils offrent à Judas 30 deniers pour qu’il le leur désigne.
Prévert dans « Paroles » résume cela en une phrase d’une parfaite concision :
« Il (Judas), le (Jésus) désigne à des gens qui le connaissaient très bien… »
En effet il s’agit d’un trublion qui depuis deux ou trois ans, d’après les narrateurs, rassemble des foules, les harangue, tient peut-être des discours séditieux ou qui troublent l’ordre public, en tout cas déplait aux prêtres et sans doute aux occupants, romains, qui, même s’ils ne sont pas directement visés, se méfient des tensions qui pourraient naître dans les territoires occupés. On peut donc supposer que l’agitateur supposé était suivi, épié, fiché dirait-on aujourd’hui, connu comme le loup blanc et qu’il n’était pas besoin d’un traître pour le désigner.
Mais ce serait sans compter avec les vieilles rancoeurs, le ressentiment des novateurs face à l’opposition d’un clergé juif conservateur et peut-être du rejet de la plupart des juifs pour la nouvelle idéologie. Et en effet, le nouveau concept, qui devait continuer et rénover la religion issue de la Bible, va, contre toute attente, se répandre, non en Palestine, mais par le nord dans tout le monde romain, devenant ainsi la religion du monde occidental pour le malheur de ceux qui en héritèrent ! En attendant, il semblait utile, au passage, de faire du baiser (inutile) de Judas, pour désigner la victime, la représentation théâtrale d’une soi-disant trahison qui permettait dès lors de désigner le juif comme coupable. Après quoi ces gens, qui ne jurent que par « charité chrétienne », « amour du prochain » et « pardon des offenses » mais ne savent que condamner et punir, jetterons l’opprobre et la honte, non seulement sur ce coupable qu’ils ont inventé, mais sur tous les siens et jusqu’à la fin des temps. Damnation d’une telle imbécillité qu’on n’en trouvera pas l’équivalent dans l'Histoire au cours des vingt siècles qui suivront ! Et ainsi les papes, jusqu’à la fin du vingtième siècle (et que l’un d’eux, peut-être Jean XXIII y mette fin), prononceront-ils chaque soir dans leurs prières sans trouver cela le moins du monde anormal, quelques paroles de malédiction concernant ces juifs ‘’déicides’’...
Cette bouffonnerie est d’autant plus invraisemblable qu’il était prévu depuis le début par le pa(é)ternel, que le fiston se sacrifie pour racheter les hommes. S’il fallait un délateur, il rendait service et l’Iscariote aurait dû, pour ce geste indispensable, avoir au moins une statue. Question donc : s’il était utile, pourquoi l’avoir châtié ? S’il était inutile pourquoi l’avoir inventé, sinon pour faire porter à tout un peuple le poids d’un crime (sic) crée de toute pièce !
Dernière remarque qui concerne l’exemplarité du sacrifice mis en scène.
Au départ on nous dit que le fils de Dieu va se sacrifier pour racheter les fautes de tous les hommes. Constatons déjà que cette proposition est parfaitement absurde et insensée.
Mais à l’arrivée, qu’est-ce qu’on a ? On ne dira pas que cette mort, sans doute en deux heures, étouffé, aurait été, si elle avait existé, une promenade de santé. Mais ce n’eut pas été non plus un de ces supplices atroces dont on pourrait citer maints exemples. En outre ce citoyen pas comme les autres, sait que tout se terminera bien pour lui et qu’il retrouvera bientôt son PDG. de papa pour gérer avec lui leurs affaires florissantes ! Qu’on songe, par comparaison, à ce que subirent dans les geôles de la « sainte » Inquisition, ceux qui furent emprisonnés, dépouillés de leurs biens, torturés pendant des jours puis définitivement ‘’purifiés’’ en étant brûlés sur un bûcher.
En résumé, dans ce récit, tout fait trafiqué, manipulé, faux et arrangé avec l’intention un peu trop voyante pour la crédibilité, de faire beau, moral et édifiant. Même ce qui se veut exemplaire et qui devrait atteindre au sublime, est en fin de compte mesquin, petit et pas convaincant pour un sou. Il faut croire que dans le passé l’ignorance, la crédulité qui en est la conséquence et les moyens coercitifs utilisés par l’Église permirent à cette fiction grossière de subsister. Mais cela signifie aussi qu’aujourd’hui où l’homme est libre a accès à la culture et à l’information, ce système n’est plus en état de se prolonger.
Nous nous ferons une raison !
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