L’ÉGLISE : INSTITUT des SOURDS !
Je n’ai jamais oublié un dessin humoristique paru dans Playboy, il y a plus de vingt ans et que je considère, dans son genre, comme une réussite indépassable.
Sur une pleine page, en couleur, il représentait les restes d’un homme réduit à l’état de squelette, assis à même le sol sur un trottoir, un bras tendu, le doigt définitivement crispé sur une sonnette. Quelques lambeaux de tissu couvraient ce qui subsistait du corps. A la hauteur du thorax, un bout de carton où on lisait encore le mot : AVEUGLE, expliquait les lunettes noires placées devant l’emplacement vide des orbites. Au-dessus de la porte où se trouvait la sonnette, une inscription gravée dans la pierre : INSTITUT DES SOURDS…
Autrement dit cet aveugle, qui cherchait vraisemblablement secours et aide, était mort en appuyant désespérément sur une sonnette, découverte à tâtons et en croyant pourtant avoir trouvé la solution à sa détresse. Il n’avait pu comprendre pourquoi on ne venait pas le secourir puisqu’il entendait, lui, la sonnerie, mais ne voyait pas que cet endroit était le seul où le son ne résonnerait dans aucune oreille !
Devant l’image, la première réaction était de rire comme de quelqu’un qui tombe, avant qu’on réalise que la chute pourrait être mauvaise. Très vite, cependant, le rire se figeait, car on comprenait ce qu’il y avait de pathétique et même de tragique dans ce dessin et qu’au-delà de l’immédiateté du fait illustré, apparaissait un contenu allégorique beaucoup plus riche qu’il ne semblait de prime abord.
Ce qui conduisait à comprendre que cette situation symbolisait la condition humaine en général et que ce squelette lamentable, accroché vainement à la sonnette, c’était chacun d’entre nous tendu vers des chimères, des illusions, des désirs, des attentes, auxquelles nous sacrifions souvent en vain nos vies. La sonnette représentait le moyen par lequel nous tentons d’atteindre nos buts, et la surdité des occupants du bâtiment la difficulté de communiquer et d’être compris !
Tout cela fait que depuis des temps immémoriaux, nous frappons à des portes qui ne s’ouvrent jamais et que nous nous obstinons dans des entreprises dont nous tentons de nous persuader qu’elles justifient notre existence …
Par cette nouvelle approche on passait ainsi de la simple anecdote à une réflexion plus générale sur le sort de l’homme. Mais l’homme est indissociable de tout ce qui, dans son passé, comme encore de nos jours, a contribué à le rendre intolérant, fanatique, vindicatif et sectaire : les systèmes totalitaires, les idéologies, les croyances. On pouvait donc gravir encore un échelon et considérer la scène proposée comme une parfaite illustration de la trilogie : Croyants/Eglises/Dieu(x). Schéma qui s’applique en outre sans la moindre difficulté aux traductions païennes des religions qu’ont été le marxisme, le nazisme et autres monstruosités qui reprirent au XXème siècle le flambeau des barbaries religieuses.
Croire, dans le cadre d’une religion, c’est en effet, après avoir constaté l’absence de toute réalité concrète du divin aussi bien dans le monde que dans notre conscience, s’inventer un sacré et la conviction qui va avec, en sachant bien qu’il ne s’agit que d’un mirage auquel, avec beaucoup de mauvaise-foi, nous devons donner nous-mêmes forme et couleur.
C’est en ce sens qu’on peut dire que la croyance est la meilleure démonstration de l’inexistence de son objet. On dit aussi dans le langage courant que la croyance et la foi sont aveugles, autre façon d’affirmer la même chose.
Le croyant est donc un aveugle et par là nous rejoignons notre sujet. Qui plus est un aveugle têtu puisqu’il s’obstine à ne pas voir que son insistance est vaine. Il pourra ainsi passer toute se vie perpétuellement tendu, inutilement crispé, multipliant les postures, les mimiques, les rituels qu’il voudrait rassurants. Cérémonials qu’il feint d’observer comme si la divinité le voulait, alors qu’à l’inverse il tente vainement, en les observant, de se convaincre lui-même par sa gestuelle de Son existence !
Il refuse donc de ‘’voir’’ qu’il cherche à attirer l’attention d’une entité qui n’est autre que le fruit de ses propres élucubrations.
Quant à la sonnette, quelle meilleure illustration de l’inutilité de l’Église pourrait-on trouver ? N’est-elle pas, selon les propres allégations de son clergé, l’organe qui s’interpose entre l’homme et Dieu, intercédant pour eux auprès de Lui, et leur transmettant Sa parole et Sa volonté ?
Mais si l’on a conquis un peu d’indépendance d’esprit dans un monde issu de tant de siècles d’inepties et d’histoires à dormir debout, on comprend bien que ces braves gens, si prompts à se faire mousser et à faire croire qu’ils servent à quelque chose, n’ont jamais intercédé pour personne, pas plus qu’ils n’ont pu transmettre la parole ou la volonté de qui que ce soit. On ne peut même pas espérer qu’ils nous expliquent avec clarté qui est cet ectoplasme avec lequel ils prétendent communiquer, car ils n’ont rien d’autre en magasin, pour se justifier, que leurs vieilles mixtures tellement éventées après deux millénaires d’hypocrisie et de mensonges, qu’eux-mêmes sans doute ne savent plus à quoi elles riment !
Il est au demeurant probable qu’on aurait grand peine à trouver, en supposant qu’il en existe parmi toute la prêtraille, quelques ecclésiastiques qui croient réellement à ce qu’ils racontent. Et d’ailleurs leur problème n’est pas de croire mais d’entretenir la crédulité chez les autres. C’est en effet de cette crédulité que dépendent ces revenus grâce auxquels ils peuvent vivre en parasite, et leur action s’apparente au matraquage à laquelle se livre la pub pour qu’on n’oublie pas et qu’on continue à acheter telle ou telle marque. Ni plus ni moins…
Ainsi comprend-on bien que le jeu consiste pour la sonnette (l’Église), à ce que l’aveugle (le croyant), reste aveugle, car s’il ouvre les yeux on peut imaginer qu’au lieu de croire toutes les niaiseries qu’on lui sert, il verra que derrière la porte (Dieu), personne ne l’écoutera jamais.
N’est-il pas rafraîchissant de constater que, partant d’un humour plutôt noir, on en arrive aussi facilement à ce raisonnement analogique qui met en lumière la faiblesse des prétentions de la religion, l’inutilité de l’Église, le parasitisme de son personnel et l’indigence de la croyance.
Tout cela ne serait pourtant qu’une faible consolation si les faits, jour après jour ne venaient confirmer cette analyse et montrer la décrépitude de l’honorable société.
Car chaque jour, comme les cheveux quand la calvitie commence, des pans entiers de croyants comprennent que tout cela n’a guère de sens. De moins en moins de gens admettent les boniments du clergé, acceptent leurs conseils pour diriger leur vie ou lui feraient confiance pour élever leurs enfants.
Le pape, entêté comme ceux qui sont rattrapés par l’âge, s’agite en tout sens, inconsidérément, comme une mouche emprisonnée sous un verre !
Ainsi s’achèvera cette vaste entreprise de tromperies en tous genres : les aveugles disparaitront lassés par des siècles de mensonges ; le clergé devra cesser de parasiter, en jouant les sonnettes, et se reconvertir vers des activités utiles ; enfin, la plupart des individus comprendront qu’il ne sert à rien de s’adresser à cette sorte d’Institution où, à l’évidence, il n’y a jamais eu personne pour écouter…
Ainsi-soit-il ! ! !
.
Agnos
Commentaires