Vous allez rire !...
Vers quatorze, quinze ans, je n’étais pas encore l’athée irrécupérable que je devins assez rapidement par la suite, j’allai un jour chez un prêtre qui m’avait invité à passer au presbytère pour me prêter je ne sais quel bouquin, sans doute édifiant.
Il me prêta en effet le livre, mais la visite ne s’arrêta pas là. Alors que j’allais partir, il devint soudain très entreprenant, m’étreignant, me serrant contre lui, lui contre moi, et m’embrassant avec plus que le geste amical anodin que j’aurais pu, à la limite, tolérer.
Je commençai à paniquer et à me demander comment sortir de ce mauvais pas,
lorsque, emporté sans doute par un désir dévorant, il s’enhardit au point que je me retrouvai bientôt avec une de ses mains dans mon slip ! Je cherchai le moyen d'échapper à ces effusions terriblement embarassantes et tellement inattendues, et à rétablir entre nous une distance suffisante. Il finit par comprendre que je n'étais pas du tout prêt à me plier à ses ardeurs, pas même en restant passif. Peut-être espéra-t-il alors qu’une prochaine fois il aurait plus de chance, en tout cas il se calma, petit à petit ses caresses outrancières prirent fin, et vint le moment où je pus enfin repartir sans plus d’entrave. J’avais échappé au pire, et continuai à m’asseoir comme tout le monde, sans problème particulier…
Le souvenir le plus précis qui me reste de cette mésaventure est celui de la puanteur de la soutane. Je ne sais si une telle impression peut générer une vocation d’anticlérical, mais je ne tardai pas à considérer que la mentalité de ces gens n’était guère plus attirante que leur uniforme négligé…
On devine que je ne remis jamais les pieds (ni le reste) chez lui.
Je n’en parlai pas non plus à mon entourage. Après tout, j’avais échappé au pire et tout jeune on craint toujours de ne pas être cru par les adultes, ou que cela conduise à des histoires invraisemblables.
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Des années plus tard, vint le temps où il ne fut plus possible à ces bons apôtres de cacher l’étendue de leurs exactions.
Ainsi apprit-on qu’il y avait des milliers de prêtres et d’évêques jugés pour pédophilie rien qu’en Amérique du nord. Ce qui représentait plus de 10.000 victimes.
On fut en droit d’imaginer qu’il y en avait sans doute autant (et peut-être beaucoup plus) qu’on ignorait : parce que l’Église, sur instruction de Rome notamment, avait réussi à en cacher une bonne partie, parce que de nombreux faits étaient couverts par la prescription ou encore parce que nombre de victimes avaient préféré ne pas être soumises à une telle publicité…
Il n’y avait pas non plus la moindre raison, de penser que le clergé européen était plus vertueux que l’américain, même si les pays latins sont plus réservés sur la publicité à donner à ces problèmes délicats… D’ailleurs, il y eut des condamnations. On fut informés de procès concernant nombre de prêtres ainsi que plusieurs évêques belges, autrichiens, etc. Un ‘’monseigneur’’ français connu, n’échappa au procès que parce qu’il y avait prescription.
Enfin comment ne pas penser aux victimes des abus de même type que fit la belle institution, en toute impunité, pendant ces siècles où elle faisait ce qu’elle voulait, ne rendait de comptes à personne et cachait toutes ses turpitudes.
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Dans ces temps récents donc, où ces sujets remplissaient les gazettes, j’allai un jour en visite chez un médecin que je savais athée, avec lequel les conversations roulaient plus souvent sur l’actualité que sur la médecine. Pour illustrer ce qu’on apprenait à l’époque, je lui racontai mon épisode tragi-comique avec mon ensoutané. Il m’écouta attentivement, visiblement intéressé, puis me dit, hilare :
- Vous allez rire, mais la même histoire m’est arrivée et s’est terminée, Dieu merci, (hi, hi… ) aussi heureusement que la vôtre !
Puis il avait ajouté :
- Deux ce n’est pas un panel représentatif. Mais deux sur deux, soit cent pour cent de succès, ce n’est quand même pas si mal, non ? Si on parle de cela à un curé, il nous dira qu’il y a chez eux comme partout, quelques brebis galeuses, mais qu’il ne faut pas généraliser… Avec ce qu’on sait aujourd’hui, il semble que les quelques brebis soient un immense troupeau. De plus on ne connaît que ce qui fait l’objet de plaintes et de jugements. On peut penser que si l’on pouvait recenser tous les mineurs qui ont été harcelés, tripotés, poursuivis et abusés par des prêtres en rut, dans les catéchismes, les patronages, les mouvements de jeunes, chez les scouts, les enfants de chœur, etc., on atteindrait des chiffres astronomiques. Pour commencer, nous, nous sommes dans la masse inconnue et silencieuse de ceux qui ne sont référencés nulle part ! ! !
- C’est tout à fait vrai. On peut d’ailleurs en conclure, sachant qu’il y a aux USA plus de dix mille victimes recensées, que les victimes des tous les continents doivent représenter pas mal de dizaines de milliers, et que si on devait y ajouter celles qui n’ont pas été révélées, il faudrait changer d’ordre de grandeur et compter au moins, en centaines de mille. Ce qui est proprement effrayant ! Ça me fait penser à une caricature du Nouvel Obs sur laquelle on voyait un évêque qui demandait à un séminariste : « Vous êtes pédophile ? ». Celui-ci lui répondait : « Non ! ». L’évêque étonné : « Alors pourquoi voulez-vous être prêtre ? ».
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Tout cela n’empêche pas ces sinistres plaisantins de monter en chaire et de délivrer des leçons de morale aux autres, au point qu’on pourrait croire que l’exemplarité de leur vie les désigne naturellement pour cette besogne. Quant au pape qui se permet de critiquer les lois des autres au nom de ses principes, à chacun des voyages, par exemple en Espagne, il ferait mieux de se faire oublier et de procéder une fois pour toute au nettoyage complet dont sa boutique a le plus grand besoin…
Et en fin de compte, quand on pense à tout cela, ça ne fait plus rire du tout !
Agnos
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