ou la religion de la Religion !
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Depuis que l’Église est devenue religion d’empire par le choix de Constantin, il n’y a que deux points sur lesquels elle n’a jamais varié d’un iota : son indéfectible attachement aux puissants, quels qu’ils soient, et son insatiable appétit pour les richesses. Appétit qui fut d’ailleurs largement satisfait grâce à cet attachement...
Pour le reste en effet, tout a changé. Ainsi de la doctrine, des dogmes, de la divinité (sic) de Jésus, des caractéristiques intimes de la vierge (sic) Marie, de la morale, des règles de vie du clergé, tout, sauf ces deux points.
Cette complicité appuyée du clergé pour tout ce qui possédait du pouvoir, profita naturellement aux deux parties.
Les gouvernants y gagnèrent en tranquillité dans deux directions.
D’abord ils ne furent jamais contestés par la puissance spirituelle sur leurs décisions, leurs abus, leur inhumanité, leurs guerres contestables. Ils n’eurent non plus guère de reproches concernant le peuple, aussi injustes, impitoyables, et exigeants fussent-ils avec lui, car la religion fit régner l’ordre. Et s’échina à faire comprendre aux pauvres qu’il y avait Dieu dans le Ciel, le Roi sur terre, et qu’il fallait supporter tout cela pour mériter son paradis !
Ensuite ils bénéficièrent d’une totale complaisance en ce qui concernait leurs vies, leurs mœurs, leur non respect de la morale. Une bienveillance qui couvrit pudiquement leurs pires excès et jusqu’à leurs crimes. On n’imagine d’ailleurs pas un père la Chaise, par exemple, réprimant Louis le quatorzième pour ses innombrables maîtresses ou les mœurs particulièrement dissolues de sa cour !
Mais l’autre partie y gagna tout autant.
D’abord les grands concédèrent à l’autorité religieuse une suprématie qui tenait à ce qu’elle s’exerçait normalement dans la sphère spirituelle, et donc hors de la leur. Cela ne voulait pas dire grand chose mais satisfaisait les intérêts des deux parties.
Ensuite pour s’assurer le soutien sans faille de l’Église, les souverains et potentats de toute nature, associèrent très vite le clergé aux affaires et ne furent pas déçus. Il s’avéra en effet être un auxiliaire précieux, le plus souvent servile, des politiques des monarques et s’accommoder très bien des nombreuses contradictions entre les décisions qu’il était amené à prendre et les principes moraux et humains qu’il aurait dû normalement promouvoir.
Enfin, en remerciement pour leurs bons et loyaux services, ils reçurent partout et à toutes les époques d’innombrables récompenses : dons, titres, terres, droits de percevoir des impôts, trésors divers, etc., etc.
Ainsi l’osmose fut-elle presque partout parfaite.
On serait d’ailleurs bien en peine d’énumérer les régimes auxquels l’Église ne participa pas, hormis ceux qui la rejetèrent. Ce qui n’est pas vraiment flatteur puisque cela signifie que rien ne rebute la vertueuse institution dès lors qu’on partage le gâteau avec elle !
En Russie après la révolution, l’Église orthodoxe fit des bassesses auprès de Staline pour collaborer avec lui. Malheureusement, pour elle, il estima que les religions ne servaient à rien. Au moins un point sur lequel on ne saurait lui donner tort…
Voilà donc une entreprise religieuse qui a passé son temps à vendre son âme contre des prébendes, des avantages, des postes, des rentes, de la considération. Le tout sur fond de parabole de son livre de référence, l’évangile, qui fait un devoir aux chrétiens d'aimer et d'assister les pauvres, et montre la difficulté pour les riches d’accéder au royaume du père. Tout cela n'est-il pas touchant ?
Pourtant pendant que notre « sainte » mère l’Église passait tout aux riches et aux puissants, leurs débauches, leurs plaisirs, leurs caprices, elle était parallèlement d’une intraitable exigence avec les pauvres, les petits, les plus malheureux.
Dans le peuple, plus question de plaisirs.
Les curés profitaient de leur influence par les offices, la prière et la confession pour façonner les mentalités, des femmes notamment : qu’elles se prêtent le moins possible à l’acte sexuel, qu’elles évitent les positions du « péché » qu’elles ne recherchent pas de satisfactions physiques, et autres imbécillités qu’ils répétèrent sans se lasser pendant des siècles tandis qu’eux-mêmes se livraient à toutes les turpitudes.
Petit à petit, au cours des siècles, la bourgeoisie va prendre de l’importance, se développer, s’enrichir. Progressivement, et sans plus de complexes qu’avec la noblesse, l’Église va étendre le champ de sa compréhension et de son indulgence aux grands propriétaires terriens, aux commerçants, puis, quand viendra la révolution industrielle, aux entrepreneurs et capitalistes.
Alors le miracle dont elle avait bénéficié sous les anciens régimes en se vendant et en abandonnant tous ses principes, se renouvela, les mêmes bassesses lui procurant là encore de nombreuses récompenses, fruits de ses reniements multiples.
Parallèlement, comme elle l’avait fait du temps des potentats et de la noblesse elle réservera dans la société nouvelle, ses foudres, ses sévérités et toutes les rigueurs de sa morale au petit peuples et aux plus démunis.
De nouvelles souffrances frapperont le peuple au XIXème, dans un monde devenu particulièrement inhumain à l’aube de l’industrialisation, lorsque l’on fera travailler jusqu’à seize heures par jour des hommes, mais aussi des femmes et des enfants de moins de quatorze ans, et pour des salaires de misère. Des voix s’élevèrent, socialistes : Proudhon, communistes : Marx, Engels, etc., pour critiquer cette situation et chercher des solutions.
En 1848 est publié le « Manifeste », en 1867 « le Capital ».
Du coté de la catholicité, rien de sérieux avant « Rerum novarum » de Léon XIII en 1891. Autrement dit au moins un demi-siècle après les premières prises de conscience et réactions concernant ces phénomènes et vingt-cinq ans après le début de publication du « Capital ».
Le texte de l’encyclique peut-être aisément consulté sur Internet.
On peut le résumer en disant que c’est une incitation molle (pieuse) aux capitalistes à mettre un peu d’humanité dans leurs bénéfices, à payer de meilleurs salaires aux ouvriers, à créer des conditions de travail moins inhumaines. C’est aussi une mise en garde aux ouvriers à ne pas céder aux sirènes du socialisme athée, et à comprendre qu’une amélioration de leur sort est souhaitable, mais qu’ils continueront malgré tout à prendre des coups de pieds au cul qui, comme le dit plus poétiquement Jacques Prévert, leur seront rendus au centuple dans le royaume des cieux !
Autant dire qu’aucun ouvrier n’a certainement jamais tenté l’épreuve de lire ce texte et que les recommandations aux capitalistes eurent à peu près le même effet que les allusions feutrées à la morale du gentil père la Chaise au Roi Soleil…
Plus tard entre autres aventures, ou mésaventures, apparaitront les « Prêtres ouvriers ».
Cette expérience est intéressante parce qu’elle ne fut acceptée qu’à contrecœur par la hiérarchie, qu’elle donna lieu à une alternance d’interdictions et d’autorisations sans enthousiasme et qu’elle ne concerna que peu de volontaires qui, de toute façon, ne risquaient pas de changer grand-chose aux problèmes sociaux.
L’Église craignait que les communistes et la Cgt ne récupèrent cette action à leur profit, ce qui n’était évidemment pas à exclure, mais montre aussi le peu d’assurance, la frilosité du clergé et de son idéologie face à des gens dont on peu contester les solutions mais qui savaient au moins mettre la classe ouvrière de leur coté.
Lors de certaines interruptions de l’expérience, des prêtres ouvriers, sommés de rejoindre le giron de leur sainte mère l’Église, préférèrent rester avec le « prolétariat », se syndiquèrent, certains jouant la vie ouvrière jusqu’au bout allant jusqu’à vivre en concubinage et à avoir des enfants
Pour les belles idées développées dans son encyclique, Léon XIII fut surnommé le « pape de ouvriers » ! ! !
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Ce bilan du catholicisme, comme n’importe quel autre qu’on ferait sur les actes, les choix les solutions adoptées, les résultats, les rapports entre la doctrine et les politiques pratiquées par l’Église dans tous les domaines, est accablant.
À travers sa longue histoire cet organisme a toujours été le meilleur soutien des monarques, despotes, empereurs, dictateurs, tyrans, riches bourgeois, capitalistes.
Dans le même temps elle a pratiqué une morale d’une extrême sévérité avec le peuple, ceux qui souffraient, les plus démunis.
On sait aussi que tandis que la hiérarchie faisait des bassesses pour avoir de grosses miettes des gâteaux et qu’elle multipliait ses actions psychologiques infâmes pour que le petit peuple continue à accepter sans trop se plaindre de souffrir et de rester pauvre, ces bons apôtres se vautraient dans les plaisirs et la luxure, avaient des vies dissolues, les plus hauts dignitaires étant les plus corrompus, une bonne partie s’homosexualisant à qui mieux, mieux, en totale contradiction avec l’extrême rigueur de leurs principes, les autres chassant avec acharnement les jouvenceaux de leur proximité : patronages, enfants de chœur, catéchisme, etc.
Enfin les finances du Vatican sont certainement qu’il y a de plus suspect dans ce grand corps déjà peu reluisant.
On se souvient des scandales financiers de la Banco Ambrosio, du faux suicide à Londres du banquier du saint siège, Roberto Calvi, du rôle occulte de l’éminence noire Marcinkus qui, après bien des scandales dut être démis de ses fonctions. Il est notoire aussi que le Vatican fonctionne avec de l’argent sale. D’ailleurs il n’a pas adhéré aux accords qui tentent de mettre un peu de clarté dans les transactions financières et est considéré comme l’État dont les finances sont les plus opaques et suspectes, loin derrière Monaco et même les paradis fiscaux les plus tristement célèbres.
Ce qui fait que quand Jean-Paul II a décidé de se substituer à l’Église américaine, qui voulait se déclarer en faillite, pour payer les indemnités dues par les prêtres pédophiles aux victimes, c’est donc avec de l’argent provenant du crime, des ventes d’armes, de la prostitution et de la drogue que l’admirable « Santo subito » régla les saloperies de son personnel.
Peut-on vraiment appeler cela la morale de l’histoire ?
Rappelons que malgré tout, les papes ne sont jamais si beaux qu’en blanc !
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Agnos
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