… et les autres !
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Pour cacher le contenu effroyable de son histoire et l’indignité chaque jour confirmée de son personnel, l’Église utilise une tactique presque aussi vieille qu’elle, car elle dut y recourir très tôt pour se défendre : trouver quelques arbres, des figures emblématiques, pour essayer de masquer la forêt immense de ses crimes et de ses tares. Le but étant, on l’a compris, de faire croire avec une poignée de personnages vertueux, charitables, dévoués, secourables, qu’ainsi étaient toute l’Église et l’ensemble de son personnel.
Grâce à ces faire-valoir sur le devant de la scène, le clergé put ainsi longtemps, à l’abri des regards, commettre les exactions et actes barbares qui constellent l’histoire de l’Église et se livrer sans souci à une débauche effrénée tout en prônant une morale qu’il se garda bien de pratiquer lui-même.
Mais ceci se réfère à un passé dépassé où l’Église imposait « ses » vérités et où, contrôlant l’information, elle pouvait cacher tout ce qui ne la flattait pas, et Dieu (sic) sait s’il y en eut…
Or nous disposons désormais de toutes les preuves irréfutables qui montrent que l’histoire de l’Église n’est rien de plus qu’une terrifiante, lassante et interminable épopée barbare, et celle du clergé l’affligeant constat de gens qui, à toutes les époques, ont essayé de faire croire qu’ils étaient qualifiés pour faire la morale, alors qu’ils n’ont jamais été capables ne serait-ce que de respecter leurs vœux les plus solennels, ni même cette morale qu’ils veulent imposer aux autres, sans semble-t-il avoir jamais réalisé qu’ils faudrait mieux d’abord qu’ils s’y conforment eux-mêmes !
Alors la question qui se pose est simple : est-il encore possible, dans ces conditions, d’utiliser quelques figures édifiantes pour tenter de redonner un semblant de respectabilité à une catholicité qui est descendu à un tel niveau de décrépitude et de discrédit ?
Car aujourd’hui, on sait tout sur les ces personnages d’exception. Tout, c’est à dire non seulement ce que l’Église aurait exhibé dans l’espoir d’en tirer le meilleur profit, mais aussi ce qu’elle aurait caché jalousement parce qu’elle savait que cela ne pouvait que la desservir.
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À titre d’exemples, prenons dans l’histoire contemporaine, l’abbé Pierre et mère Teresa.
Si ces deux personnages occupent cette place éminente dans l’esprit de la plupart des gens, c’est d’abord parce qu’ils ont vécu en parfaite conformité avec les principes de la morale qu’ils défendaient.
Tous deux ont eu une vie difficile, misérable, faite de privation, au milieu de ceux qu’ils voulaient aider, nourrir, protéger, soigner.
Leur impact a été considérable. D’abord sur les consciences bourgeoises : la perception de la détresse des plus misérables n’a plus été la même après le fameux appel de l’abbé Pierre sur Radio Luxembourg en 1954 qu’auparavant (voir Wikipedia : abbé Pierre). Mais aussi parce qu’il en est résulté un certain nombre de conséquences positives pour les sans-abris, des solutions plus humaines. Conceptions que Coluche prolongera à sa façon en créant plus tard ses restos du cœur. C’est également dans les années cinquante que l’abbé fonda les compagnons d’Emmaüs qui eurent un rôle important dans la réinsertion des exclus dont il avait compris qu’il ne suffisait pas de les abriter et de les nourrir pour les sortir de la misère.
Il y eut bien quelques critiques sur son action et son organisation, mais c’est surtout l’affaire Roger Garaudy, traduit en justice pour négationnisme, et auquel il apportera alors son appui amical qui provoquera une véritable tempête. Il s’en expliquera en précisant que c’était par amitié pour Garaudy et non par négation de la shoah dont il avait connu la réalité, qu’il avait adopté cette position.
L’abbé sera néanmoins exclu de la LICRA et restera profondément marqué par cet épisode. Comparativement, un politicard sinistre comme Bruno Gollnich continue à arborer son rictus carnassier et à afficher sans scrupule ses élucubrations nauséabondes…
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Mère Teresa pour sa part, a fait connaître à un monde occidental qui crève de consommer le majeure partie des richesses de la terre, la misère extrême d’une importante partie des populations du monde.
Par elle on sut que des nuées d’enfants n’avaient pour tout horizon que les décharges d’ordures des grandes métropoles indiennes. Là ils vivaient, mangeaient, tentaient de monnayer quelques matières de récupération, attrapaient des maladies et mourraient. Elle partagea leur vie, les soigna, tenta d’améliorer leur sort et de les aider à sortir du cercle infernal de la misère.
À elle aussi on fera des reproches, pas forcément injustifiés. Mais qui pourrait soutenir que son action ne fut pas infiniment plus positive que n’ont été néfastes certaines de ses conceptions ? Qui oserait prétendre que si elle n’avait agi comme elle l’a fait, d’autres seraient venus, se seraient attaqué à ces problèmes et auraient su mieux les régler ?
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Voyons maintenant ce que l’Église aurait voulu qu’on n’apprenne jamais.
L’abbé Pierre ne cachera pas l’attirance qu’il eut pour les femmes. Il plaidera auprès de deux papes, pour l’aménagement de la règle du célibat. Il préconisera aussi qu’on envisage la possibilité d’ordonner des femmes. Il n’aura pas, vis-à-vis des homosexuels, le sectarisme borné d’un Benoît XVI, par exemple et indiquera même qu’il n’était pas opposé à l’homoparentalité.
Rien de moins que le diable dans la chrétienté pour un panzer pape qui préfère sans doute voir ses prêtres faux-célibataires, lorsqu’ils ne sont pas gays, traquer les rondeurs fessues des enfants de chœur dans les recoins des sacristies !
Mère Teresa pour sa part, a certainement connu une des pires souffrances morales qu’on puisse imaginer, puisque de son propre aveu elle passa cinquante ans de sa vie à prier sans jamais parvenir à échapper à son doute angoissant sur l’existence de Dieu. En dehors de ce que, comme beaucoup de croyants, elle ne parvenait pas à trouver un fondement solide à sa foi, elle devait se dire aussi que l’idée d’un Dieu bon, juste et aimant l’homme était parfaitement incompatible avec l’effroyable misère qu’elle côtoyait chaque jour. Mais ce doute ne l’empêcha pas de se dévouer et d’aider ceux qui avaient besoin d’elle, ce qui la met nettement au-dessus du lot de ceux qui pratiquent la charité dans l’espoir que cela leur sera rendu au centuple dans le paradis auquel ils rêvent !
Jean-Paul II qui béatifiait plus vite que son ombre (c’était sa manière passablement infantile de se distraire), en fit cependant la 1315ème bienheureuse de son pontificat. Soit une presque sainte qui ne croyait pas en Dieu !
Mais, et c’est sans doute le plus terrible pour la vieille embarcation grinçante et vermoulue, nous savons tout également sur le reste du clergé : son comportement, ses habitudes, ses reniements, ses pratiques et même ses crimes puisqu’une partie non négligeable de ses effectifs finit par rendre compte de ses actes coupables sur les bancs de la justice. Sans parler du goût de ces gens, voués normalement par leur vocation à la simplicité et à l’humilité, pour le clinquant, les honneurs, le luxe.
Mère Teresa a-t-elle essayé d’estimer le coût de ces habits rutilants, dorés, chamarrés, lors d’un consistoire (un mot qui a le mérite d’être franc…) par exemple et de se représenter combien de temps cet argent aurait pu nourrir les enfants pauvres qu’elle cherchait à aider ?
Imagine-t-on l’abbé Pierre, lui sa vieille canadienne et son béret, accepter de se mêler à ces guignols ?
Comment des gens, qui sacrifièrent leur vie pour les autres auraient-ils supporté que leur PDG se ridiculise, comme on vient de voir le faire l’actuel titulaire, avec coiffe et cape rouges bordées de fourrure blanche, montrant l’œil éteint d’un chevalier de Taste-vin qui n’a pas bien supporté son initiation œnologique !
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Lorsqu’on oppose les qualités de trop peu de religieux aux tares, vices et abus de l’immense majorité des autres ecclésiastiques, on comprend que la catholicité et son organisation délabrée soient désormais au bout du rouleau. Et que notre accès libre à la culture, à l’Histoire et à l’information ne laissent plus à la vieille utopie aucune échappatoire.
On réalise aussi qu’au niveau d’information où nous nous trouvons, même les êtres d’exception qui autrefois servirent peut-être la vieille machine, aujourd’hui l’accusent et ne font que l’enfoncer.
Et ce n’est pas un hasard si le PDG actuel de la firme, friand de tout ce qui brille, de titres ronflants, de respect, de considération et des marques obséquieuses, qu’hélas il est à craindre qu’il croie mériter, ressemble, avec ses petits gestes mesquins et étriqués et son apparence chafouine[1], à un animal inquiet, apeuré, qui ne sait plus où se mettre à l’abri.
On comprend d’ailleurs que le clergé tienne à ce point à l’utopie qu’il s’entête à véhiculer, non qu’il y croie lui-même, il y a même toutes les raisons d’en douter, mais parce que tant qu’il y aura des gens assez crédules pour y croire, ses revenus seront assurés et il pourra continuer à se faire entretenir et à vivre en parasite…
La question n’est donc plus : serons-nous un jour débarrassés de cette organisation obsolète, totalement inutile et qui a tant nui ; mais bien plutôt : dans quel délai cet événement salutaire se produira-t-il ?
Et il est évident que la rapidité avec laquelle cette fin annoncée se produira, dépend essentiellement de la façon dont nous utiliserons les moyens aujourd’hui à notre disposition pour faire triompher la raison, exiger le respect de la vérité et de l’Histoire, et ne plus tolérer les passe-droits, avantages, privilèges, et autres petits arrangements ou silences complices auxquels l’honorable société s’était accoutumé au point d’y tenir comme si elle y avait droit !
En un mot, si nous sommes vigilants, déterminés et actifs, cela pourrait aller assez vite…
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Agnos
[1] On sait que benoît est un des synonymes de chafouin !
A propos de Teresa, j'ai retrouvé le texte qui suit dans mes archives :
« On considère l’Inde, et spécialement Calcutta, comme le principal bénéficiaire des célèbres “bonnes œuvre“ de Mère Teresa envers les pauvres, et qui ont fait d’elle la catholique la plus fameuse de notre temps, un Prix Nobel de la Paix, et une sainte vivante. Mais quand j’examine ce qu’elle a fait ici, je pesne que l’Inde n’a aucune raison de lui être reconnaissante » a déclaré Sanal Edamaruku, Secrétaire Général de l’association Rationaliste Indienne et Président de Rationalist International, dans une interview faite à l’occasion de la béatification de Mère Teresa aujourd’hui. Et il poursuit :
« Mère Teresa a fait une mauvaise réputation à Calcutta, donnant de la métropole indienne, belle, ,attachante, vivante, et culturellement riche, l’image même de la saleté, de la misère, du désespoir et de la mort. Présentée comme un immense cloaque, elle est devenue la toile de fond de son œuvre de charité très spéciale. Son ordre n’est que l’une parmi quelque 200 organisations caritatives qui s’efforcent d’aider les habitants des bas-fonds de Calcutta à construire un avenir meilleur. Sur le terrain, il n’est ni très visible, ni très actif. Mais d’énormes campagnes, comme celle qui fut faite autour de cette histoire sans aucun fondement de son école pour 5000 enfants des bas-quartiers, ont donné à ses institutions une énorme publicité internationale. Et a suscité des dons énormes !
Mère Teresa a récolté des millions et des millions de dollars (certains disent des milliards) au nom des indiens pauvres – et bien plus encore au nom des pauvres des autres “égouts“ partout dans le monde. Où est allé tout cet argent ? Il n’est certainement pas utilisé pour améliorer le sort de ceux à qui il était destiné. Les religieuses vont leur distribuer quelques bols de soupe, et donner un refuge et des soins à quelques malades et souffrants. Et pourtant l’ordre le plus riche au monde n’est pas vraiment généreux, car il vise à leur apprendre le charme de la pauvreté :“La souffrance des pauvres est quelque chose de très beau, et la noblesse de cet exemple de misère et de souffrance est une grande leçon pour le monde“ a dit Mère Teresa. Devons-nous être reconnaissants pour un tel sermon, venant d’une milliardaire excentrique ?
La belle histoire de ses Maisons pour les mourants a tiré des larmes au monde entier. La réalité, pourtant, est scandaleuse : dans ces petites maisons primitives et surpeuplées, de nombreux malades doivent partager leur lit avec d’autres. Sans souci de l’hygiène, alors que nombreux sont ceux qui sont atteints de tuberculose, du SIDA ou autre maladie hautement infectieuse. Les patients sont soignés avec de belles paroles et des médicaments insuffisants – voire périmés – administrés avec de vieilles aiguilles, lavées à l’eau tiède. On peut y entendre les cris de ceux à qui l’on extirpe des vers de leurs plaies ouvertes sans anesthésie. Par principe, on n’administre pas de calmants puissants, même dans les cas graves, car selon la curieuse philosophie de Mère Teresa, “C’est le plus beau cadeau pour un être que de pouvoir participer à la souffrance du Christ“. Un jour elle a tenté de réconforter un malade qui hurlait de douleur en lui disant : “Vous souffrez, cela veut dire que Jésus vous embrasse !“ L’homme devint furieux et répondit en hurlant : “Alors dites à votre Jésus qu’il arrête de m’embrasser !“ Devons-nous éprouver de la reconnaissance parce que nous sommes les victimes de cette charité d’un genre très spécial ? Pouvons-nous tolérer que des gens ignorants et sans défense soient utilisés comme figurants dans le drame religieux, inhumain et cruel, de la souffrance du Christ ?
Quand Mère Teresa a reçu le Prix Nobel de la Paix, elle a profité de l’occasion que lui offrait son discours prononcé à Oslo et diffusé par les télévisions du monde entier pour déclarer l’avortement était le mal le plus grand du monde, et elle a lancé un appel enflammé contre la régulation des naissances.
Cette position fondamentaliste est une gifle envers l’Inde et les autres pays du Tiers Monde, pour lesquels le contrôle des naissances est l’un des leviers les plus importants du développement et des transformations sociales. Devons-nous être reconnaissants à Mère Teresa de mener son offensive de propagande contre nous avec l’argent qu’elle a collecté en notre nom ?
Mère Teresa n’a pas servi les pauvres de Calcutta, elle a servi les riches d’Occident. Elle les a aidés à surmonter leur mauvaise conscience en obtenant d’eux des milliards de dollars. Certains de ses donateurs ont des dictateurs et des criminels, qui ont ainsi tenté de se blanchir. Ce n’est pas pour rien que Mère Teresa les a encensés. Mais la plupart de ceux qui l’ont soutenue, pourtant, étaient des gens honnêtes ; ils l’ont fait de bon cœur et avec de bonnes intentions, mais ils ont succombé à l’illusion que la “madone des bas-fonds“ allait sécher toutes les larmes, mettre fin à la misère, et faire cesser toutes les injustices dans le monde. Ceux qui tombent amoureux d’une illusion refusent le plus souvent de voir la réalité en face… »
Texte de Sanal Edamaruku, traduit par Guy Jacquesson. 19-10-2003
C.O.
Rédigé par : Ovtcharenko | 04 janvier 2008 à 23:44